Dodge WC56   "Command Car" du 26 septembre 1942 (N° de série 81576042)

Voici l’histoire d’un Command Car de marque DODGE dont j'ai fait l'acquisition en mai 2008. Il s’agit là d’un rêve de jeunesse, devenu réalité avec exactement  20 ans de retard.

Après avoir sans doute participé à la libération de la France en 1944 au sein de l'US Army et après quelques 20ans de service dans l'armée française, ce véhicule servait de dépanneuse dans un garage de ma région. Son propriétaire ne l’avait heureusement pas trop modifié en y ajoutant simplement une potence de dépannage après avoir retiré les sièges arrières. Il en avait fait l’acquisition en 1967 aux ventes des domaines après qu’il fût réformé. En 1988, après 21 ans d’utilisation, notre garagiste décidait d’acheter une dépanneuse plus moderne, avec plateau de chargement, et mettait donc son Dodge à la retraite. J'étais à l’époque propriétaire de ma fidèle jeep et très intéressé par ce véhicule, mais, étant étudiant, je n’avais pas les moyens financiers de l’acquérir et devais donc me résigner à le voir partir chez un autre collectionneur. Pendant les années qui suivirent, je le vis parfois apparaître lors d'expositions locales après qu’il fut sommairement restauré (remise en route, achat des pièces manquantes, peinture et ajout d'accessoires). Par la suite je n’en entendis plus trop parlé. C'est au début de cette année 2008 qu'un ami me disait qu’un Command Car était à vendre dans la région. Je me renseignais et apprenais que le fils du dernier propriétaire souhaitait se séparer de ce même Dodge que je convoitais 20ans plus tôt. Le propriétaire était décédé après une longue maladie et le Dodge n’avait de ce fait plus roulé depuis environ 10ans. D’un aspect très correcte et pourvu d’une carrosserie très saine, le véhicule n’était malheureusement plus en état, ni de prendre la route, ni même de démarrer. Mais le moteur n’était pas bloqué… qu’à cela ne tienne, marché conclu, je l’achète !!!

Voilà donc, comment 20 ans après un rêve de jeunesse, je croise à nouveau le chemin d’un Command Car qui vient rejoindre ma collection.

 

Premier diagnostique : Bon état général mais beaucoup de travail de remise en route à prévoir. Après vérification du moteur et remise en état du circuit électrique d’allumage, remplacement des bougies et câbles de bougies, nettoyage du carburateur, pompe à essence et réservoir, quelques réglages et mises au point, le moteur démarre enfin. Malheureusement il ne tourne pas bien (mauvais ralenti et accélérations lourdes). On pouvait rapidement en déduire que le carburateur était à changer. Ce fût chose faite et l'occasion de remplacer un carburateur français SOLEX par un bon vieux Chrysler Ball & Ball de 1944 entièrement révisé :

 Un nouveau problème apparaît : une fuite au niveau du radiateur de refroidissement. Après un bon nettoyage ce n’est pas 1, mais 7 petits trous qui sont détectés et qui devront être bouchés à la soudure étain en attendant de trouver un autre radiateur :

 Lors du démontage, je remarque que la pompe à eau est elle aussi en mauvais état (jeu important du roulement). Il faut donc une fois de plus réparer :

Montage du roulement neuf :

 Encore une surprise : la dynamo fait un bruit terrible. Un roulement est visiblement HS. Il faut là aussi réparer :

Les roulements neufs sont mis en place :

Restauration de la plaque du constructeur, CHRYSLER CORPORATION :

      

Voilà, le moteur est enfin dans un état acceptable.

Un nouveau chantier est ouvert : la remise en état des freins. De ce coté là je ne me fais pas d’illusions : après 10ans d’arrêt, tout est à revoir. Au démontage cette prémonition est confirmée : mâchoires bloquées, cylindres de roues grippés, fuite du maître cylindre. Inutile de tourner en rond : il faut mettre le véhicule sur cales et tout démonter :

Un bon nettoyage s'impose :

Les cylindres de roues et le maître cylindre sont révisés et remontés avec des kits de réparation neufs :

 Encore un point à voir : les moteurs d’essuie-glaces à dépression qui ne fonctionnent plus :

Reste maintenant à revoir le circuit d’éclairage qui présente lui aussi quelques lacunes. Quelques faux contacts à corriger, des fils cassés à remplacer, quelques cosses à resserrer et le véhicule est prêt pour le contrôle technique.

Petit coup de fil à mon assureur pour couvrir le trajet jusqu’au centre de contrôle technique et me voilà parti pour mes premiers kilomètres à bord de ce Dodge. C’est toujours en grand plaisir de prendre la route pour la première fois, mais aussi un moment d’inquiétude car on ne sait jamais si nos vielles machines seront aptes à passer des contrôles techniques toujours plus poussés. Mais au final j’en ressors avec un CT vierge et juste une remarque pour une petite fuite d’eau au niveau de la pompe à eau ce qui est normale puisqu’elle est neuve et que le joint en bakélite n’est pas encore entièrement rodé. Du point de vue freinage 20/20 : le contrôleur me dit que les autres Dodge qu’il a déjà contrôlés ne freinaient pas aussi bien…

Bon, voilà une bonne chose de faite. Maintenant on peut attaquer les choses sérieuses en toute sérénité. D’abord la mise à jour de la carte grise.  Le véhicule ayant été initialement utilisé en dépanneuse, la carte grise avait été faite en 1967 avec un type VTSU, 3 places assises, une année de mise en circulation enregistrée en 1951 et comportait une erreur dans le type et le numéro de châssis : type WC568 au lieu de WC56 et Numéro de châssis 1576042 au lieu de 81576042 ; bref un digit de décalé. Je fais donc une demande de « Building Card », fiche perforée de contrôle de fin de fabrication en 1942,  chez Chrysler aux Etats Unis et l’obtient quelques semaines plus tard :

Avec  ce document je monte un dossier d’immatriculation à la FFVE qui me retourne un certificat pour la mise à jour de ma carte grise. Direction la préfecture pour obtenir enfin les papiers à mon nom. Et là je tombe sur les lourdeurs de l’administration : sur le dossier FFVE  ne figure que l’année de mise en circulation sans précision du jour et du mois. Malgré la présentation de la carte "Building record" de 1942 avec le jour exacte de fabrication du véhicule, nos fonctionnaires préférés refusent d'enregistrer le 27 septembre 1942 et me mettent une première mise en circulation au 1er janvier 1942 sur la carte grise. Je n’ai aucune explication logique à cette pratique et pour seule réponse « c’est comme ça et pas autrement » avec un regard détourné qui sous-entend « si ça ne te plait pas, on peut te la reprendre ta carte grise ». J’insiste un peu mais abandonne rapidement face à l’obstination de mon interlocuteur. Bref, maintenant la carte grise est presque à jour, avec 5 places assises, un type VL et non VTSU, le bon numéro de châssis et au moins l’année de mise en circulation du correcte.

Une manifestation est organisée par un club de ma région. C’est l’occasion pour moi de faire un test grandeur nature du véhicule, avant d’entreprendre sa restauration.

Ce fut l’occasion de faire environ 200km sans souci particulier et de détecter d’éventuelles anomalies :

* vibrations aléatoires au-delà de 50km/h dont l’origine s’avère être une usure importante de la transmission du pont avant.

* une fuite d’huile au niveau de la sortie de la boite de vitesse ainsi qu’au niveau du palier avant du moteur.

* Un démarreur faiblard qui, après démontage, présentera un rotor fortement usé qu’il faudra remplacer.

Pour le reste tout semble être OK.

Je profite des derniers jours de beau temps pour refaire la peinture de la partie basse du véhicule (châssis, ponts, boite de transfert, bas de caisse) : dégraissage au nettoyeur haute pression à eau chaude, ponçage, traitement au phosphatant et peinture anti-rouille :

...et la couche finale de peinture kaki OD :

A l’approche de l’hiver il est temps de mettre le Dodge à l’abri pour commencer la restauration du moteur. Son fonctionnement ne présentant pas  problème particulier et les compressions étant bonnes, je me limite à une restauration esthétique. Par contre tous le périphériques seront démontés, nettoyés, réparé le cas échéant, repeins et graissés avent remontage :

 

Le bloc moteur est mis à nu :

Démontage de la poulie du vilebrequin pour remplacement du joint spi avant :

Nettoyage du moteur et du châssis, réglage et graissage de la colonne de direction :

Joint spi avant changé et mise en peinture antirouille du moteur et du châssis :

Le numéro de châssis frappé deux fois, comme c'est souvent la cas sur les DODGE :

...et le numéro du moteur :

Peinture finale du moteur :

Démontage du carter moteur et là c’est la stupéfaction : 1 à 2cm de « boue » dans le fond, ce qui suppose que le carter n’a sans doute jamais été démonté depuis la reconstruction du véhicule en 1951 et que ce démontage n’était vraiment pas inutile. Un nettoyage en profondeur de la crépine d’huile s’impose également :

Petit dépoussiérage du régulateur : nettoyage des contacts et des connections, ponçage et mise en peinture :

Restauration de l'allumeur :

   

Échappement remis à neuf :

 

Décapage du radiateur :

   

...et peinture noire :

Révision du carburateur et de la pompe à essence puis mise en peinture :

Remontage des périphériques moteur :

Durite d'époque bien marquée de sa référence Dodge :

C’est maintenant au tour de la boite de vitesse. Démontage de la chape de sortie et du frein à main pour un bon nettoyage. Les couvercles latéraux seront également retirés pour inspecter et nettoyer l’intérieur. A ce niveau, pas de grosse surprise : tout semble être en bon état.

La traverse de châssis, sous la boite de vitesse, était pleine de terre et de rouille :

Mise en place du nouveau joint spi à la presse :

La boite de vitesse est terminée :

Remplissage avec huile PENTOLUB SAE90-API GL4 :

Il va maintenant falloir s’attaquer à l’électricité.  Bien que tout l’équipement fût fonctionnel pour le contrôle technique, je constate que le faisceau électrique est en très mauvais état : de nombreux fils sont dénudés, effilochés,  scotchés ou même cassés. Pas de bricolage possible ; il faut tout remplacer et je ne pourrais garder qu’une partie du câblage d’origine, sous le tableau de bord.

Le tableau de bord est « épuré » afin du pouvoir le poncer. De nombreux éléments devront être remplacés pour être conforme à l’origine : interrupteur de contact, tirettes CHOKE et TROTTLE, mano de température d’eau, interrupteur de voltmètre, câble de compteur, plaques constructeur et quelques autres « bricoles ».

 

Confection d'un nouveau faisceau électrique :

 

Préparation des éléments de châssis et de carrosserie avant peinture :

...puis mise en peinture (Apprêt époxy bi-composants) :

Une première couche de peinture kaki OD :

Les glaces du pare-brise sont à changer (bords fortement jaunis et quelques petites fissures) :

Mise en place de nouvelles glaces après restauration du cadre :

Avec l'arrivée des premiers beaux jours je peux m'attaquer au ponçage de la carrosserie après avoir démonté tous les accessoires :

(Seulement deux petites photos mais de longues journées de travail pour retirer les multiples couches de peintures successives)

Et une première couche d'anti-rouille :

...et enfin la couche finale de peinture kaki "olive drap" :

puis le début du remontage :

Après le remontage des éléments de carrosserie, une couche de peinture finale est appliquée :

....reste à peindre toutes les petites pièces annexes :

Ajustage de la capote :

il ne reste plus que la touche finale à réaliser, les marquages :

Application de la peinture à la mousse :

... et le résultat final :